L’OISEAU VICTIME DE SA VOIX D’OR 2021-22
Reconnaissable à son masque rouge profond, ses ailes jaune vif, son corps fauve, le chardonneret élégant n’est pas seulement un très beau passereau, à l’origine plutôt commun en Europe, en Asie ou au Maghreb : il a ses aficionados, surtout en Afrique du Nord et aussi en Espagne, envoûtés par son chant. Une passion que certains font remonter au califat omeyyade, au VIIe siècle. Et depuis les années 1990, l’espèce, protégée, déjà fragilisée par la destruction de son habitat et dont les spécimens sauvages sont interdits à la vente dans certains pays d’Europe (dont la France), fait l’objet d’un trafic intense. Principalement dans les pays du Maghreb, et entre le Maghreb et la France ou la Belgique. Diverses méthodes de braconnage sont utilisées. La glu, déposée sur des buissons pour piéger l’oiseau qui vient s’y percher. Ou la pose de grands filets. De cages à trappe, aussi, qui l’attirent grâce à un leurre – un autre oiseau chanteur. Parfois, ce sont les œufs qui sont dérobés. Entre 2001 et 2018, le chardonneret élégant a ainsi perdu 35 % de ses effectifs en France, note le réseau Vigie-Nature. En Afrique du Nord, signale l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), il a disparu de plus de la moitié de son aire de répartition depuis les années 1990.
«Être avec eux, c’est un apaisement, un refuge, témoigne le sportif, tout en muscles sous son maillot Manchester United. À ma nais-sance, il y avait déjà des chardonnerets à la maison. Ils font partie de la famille.»Adel assure n’avoir jamais eu d’oiseaux braconnés dans son élevage mais avoir simplement fait se reproduire ceux que possédait son père.
En Kaby-lie, à Ibekarene, petit village de 2 000 habitants bâti à flanc de montagne dont les hautes maisons traditionnelles en pierre cèdent peu à peu la place à une architecture en béton, Farid Soulali, un peintre en bâtiment de 33 ans, se présente comme un repenti de la chasse à la glu, vieille tradition familiale que lui a transmise son père. Dans ces altitudes sauvages (on est à 1080 mètres) couvertes de forêts de chênes-lièges, le chardonneret était autrefois abondant. «On n’avait pas la maturité pour comprendre qu’on était en train de faire disparaître l’es-pèce», se défend Farid. Quand il a réalisé, il y a une dizaine d’années, que le chant du chardonneret s’était tu, raconte-t-il, il a cessé de braconner et s’est lancé dans la réintroduction de l’espèce. Il désigne trois modestes volières et, à l’intérieur, les chardonnerets qu’il fait se reproduire année après année. Lorsqu’un couple d’oiseaux a produit quatre pontes, il le relâche dans la nature, gardant les petits pour les reproductions futures. Une vingtaine de passereaux sont ainsi retournés à l’état sauvage «Ce que je fais n’est pas suffisant bien sûr, dit-il. Mais est plus que ce que fait le gouvernement !»
Ou la justice. En théorie, en Algérie, les braconniers encourent deux à six mois de prison et 70 à 700 euros d’amende, mais les sentences sont rares.
Extraits de texte de Marine Dumeurger et Jean-Baptiste Pouchain pour GEO France